Présentation du rapport d’activités 2018 de la CSSF
Communiqué de presse 19/31
Face aux évolutions que connait le secteur financier, la Commission de Surveillance du Secteur Financier (CSSF) continue, dans le cadre de sa mission d’intérêt général, à œuvrer pour la protection des consommateurs et des investisseurs, ainsi que pour la résilience de la place financière luxembourgeoise et sa conformité avec la réglementation. À l’occasion de la publication de son Rapport d’Activités 2018, le Comité de direction a présenté les chiffres clés de la place, ainsi que les faits ayant marqué l’année écoulée dans les différents domaines surveillés. Les responsables de la CSSF ont également abordé les défis rencontrés par leurs équipes et les initiatives et moyens mis en œuvre pour y répondre. Enfin, cet exercice a été l’occasion d’évoquer l’avenir de la surveillance prudentielle dans le contexte d’une industrie en pleine mutation.
Un secteur financier en bonne santé
Concernant le secteur bancaire, la CSSF met en avant la bonne qualité des actifs, la forte capitalisation des établissements surveillés, ainsi qu’une situation de liquidités adéquate. Si le secteur bancaire a connu une activité soutenue – la somme de bilan a augmenté de 3% en 2018 par rapport à l’exercice précédent – certaines tendances lourdes se confirment néanmoins. Le nombre de banques a ainsi légèrement baissé (-4 entités). De plus en plus de banques se transforment en succursales ; un mouvement qui devrait continuer dans les années à venir. Leur résultat net a connu une baisse de 3,2%. Cette perte de rentabilité est à mettre en relation avec la croissance persistante des frais généraux, due, d’une part, à la nécessité d’opérer des investissements technologiques importants, et de l’autre, à une pression réglementaire accrue à laquelle les banques doivent se conformer.
Un constat similaire a pu être établi pour les autres acteurs de la place, notamment les fonds d’investissement, les PSF, ainsi que les établissements de paiement ou de monnaie électronique. La rentabilité des entités surveillées reste ainsi un des principaux points d’attention pour la CSSF.
Dans le domaine des fonds d’investissement, le Luxembourg a conforté sa position de leader au niveau européen en matière de fonds UCITS. Le secteur reste un pilier important de l’économie luxembourgeoise. Le nombre de sociétés de gestion de fonds d’investissement autorisés est passé de 306 de 2017 à 314 en 2018. Le nombre total des organismes de placement collectif inscrits sur la liste officielle a légèrement baissé à 3.908, alors que le nombre de compartiments a légèrement augmenté à 14.898. Le patrimoine net des OPC luxembourgeois a diminué de 2,3% à EUR 4.065 milliards fin 2018, comparé à fin 2017, dû à un effet de marché négatif supérieur à l’afflux positif de nouveaux capitaux.
Des bons résultats ont également pu être enregistrés au niveau des établissements de paiement dont le nombre est en augmentation d’une unité et la somme de bilan de 37,65% pour atteindre EUR 819 millions, ainsi qu’auprès des établissements de monnaie électronique (+1 unité ; somme de bilan : +40,65 % à EUR 1,3 milliards).
La CSSF : entre continuité et adaptation constante
La CSSF a continué de porter une attention particulière à la résilience du système financier, au respect des réglementations en vigueur et aux questions de gouvernance. « En matière de stabilité financière, un de nos principaux points d’attention reste la situation du marché immobilier luxembourgeois », souligne Claude Wampach, directeur en charge de la surveillance du domaine bancaire. Face à l’accélération de la hausse des prix des logements au GrandDuché (+9,3% en 2018), et à la baisse des standards d’octroi de crédits, l’endettement des ménages progresse. Pour Claude Wampach : « Le rôle de la CSSF en tant qu’autorité macroprudentielle est de veiller à circonscrire ce risque ensemble avec ses partenaires au sein du Comité du risque systémique. »
La CSSF reste particulièrement vigilante quant au risque de non – conformité, ainsi que par rapport aux risques juridique et de réputation et qui y sont liés. Le nombre de contrôles « off-site », à savoir les contrôles faits sur base de données standardisées transmises par les entités surveillées, ainsi que « on-site » (réalisés sur place) ont été renforcés. Ils ont révélé qu’en cas de non-conformité, celle-ci a principalement trait à l’absence de gouvernance adéquate ou de définition claire par le conseil d’administration de l’appétence au risque et de la mise en œuvre des principes de gouvernance par la direction, mais également à des fonctions de contrôle interne et de conformité inadéquates ou parfois trop dépendantes de la direction.
En matière de gouvernance, l’année 2018 a également été marquée par la publication de la circulaire 18/698 portant sur l’agrément et l’organisation des gestionnaires de fonds d’investissement de droit luxembourgeois. Le texte comporte également des dispositions spécifiques en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. « Cette circulaire a été une avancée majeure, dans le sens où elle codifie la pratique administrative de la CSSF, qu’elle unit dans un texte les règles en vigueur pour l’ensemble de l’industrie des fonds d’investissement et qu’elle permet au Luxembourg de prendre une longueur d’avance sur les autres pays européens. Le texte a ainsi favorablement été accueilli par les acteurs de la place », souligne Marco Zwick, directeur en charge de la supervision de l’industrie des fonds d’investissement et des professionnels du secteur financier spécialisés.
L’évolution rapide et continuelle de la technologie fait émerger de nouvelles formes de services touchant l’ensemble des activités du secteur financier, ainsi que des modèles opérationnels plus complexes. « D’un côté, nous constatons que ces mouvements exposent les acteurs classiques à de nouvelles menaces, telles une cybercriminalité de plus en plus active. De l’autre, nous voyons que les risques liés à ces modèles intègrent également des dangers classiques connus, tels que le blanchiment », explique Françoise Kauthen, membre du comité de direction. Avec l’utilisation accrue de la technologie par les entités surveillées, quelque 260 demandes d’avis ou d’autorisations de projets IT « off site » ont été traités, à côté des contrôles « on site » en nombre croissant. Tenant compte de ces chiffres, la CSSF se concentre encore d’avantage sur les systèmes IT matériels sur base d’une « risk based approach ». Le partage de connaissances et le dialogue avec les nouveaux acteurs permettent une prise de conscience supplémentaire des risques IT. La CSSF a ainsi partagé ses considérations sur l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le cadre d’un livre blanc.
Quant au secteur des actifs virtuels, la CSSF entend continuer et accélérer ses travaux de réflexion concernant un encadrement des prestataires de services d’actifs virtuels. Son objectif en la matière est triple : protéger les consommateurs notamment face aux risques inhérents aux volets sécurité des systèmes IT, permettre aux nouveaux acteurs de fournir des services dans un cadre réglementaire adapté et clair et prendre en compte les nouvelles recommandations du GAFI.
« new ways of working »
Afin d’accompagner le secteur financier dans un contexte d’exigences réglementaires grandissantes, mais également de produits et de services de plus en plus innovants et complexes, la CSSF a renforcé ses effectifs et lancé une importante réflexion quant à la modernisation de ses méthodes de travail. Près de 200 agents ont ainsi été recrutés ces deux dernières années. L’effectif atteint 845 agents au 31 décembre 2018.
Le recours aux outils technologiques de dernière génération a été étendu dans la continuité de la mise en œuvre de la stratégie CSSF 4.0. Ils permettront à la CSSF de restituer de manière proactive, via un portail, des informations que les entités surveillées pourront mettre à jour. Par ailleurs, l’application d’algorithmes de contrôle renforcera la mise à jour granulaire des risques rapportés via les reporting réguliers déjà en place. Finalement, la CSSF entrevoit d’appliquer des méthodes de type « machine learning » au processus d’autorisation.
Dans le cadre de la revue de l’organisation de ses méthodes de travail et de collaboration, la CSSF applique notamment la méthodologie du « Lean Management », afin d’accompagner l’optimisation de ses processus organisationnels en interne, comme dans l’interaction avec la place financière. « Le bâtiment Moonlight, extension de notre siège, inauguré à l’issue de la conférence de presse, est ainsi déjà précurseur des « new ways of working » de la CSSF », a déclaré Jean-Pierre Faber, membre du comité de direction, en charge notamment de la réalisation de ces projets.
Un défi : la double transition numérique et écologique
« En matière de digitalisation, nous avons deux certitudes », a souligné Claude Marx, directeur général de la CSSF. « La première est qu’il y aura une transformation profonde des divers métiers du secteur financier luxembourgeois. La deuxième est que les ordinateurs ne remplaceront pas l’être humain. » L’intelligence humaine devra contrôler l’intelligence artificielle et non l’inverse. Les clients des établissements financiers, de même que le régulateur, ne feront jamais entièrement confiance à la robotique. La digitalisation ne doit pas faire peur. Utilisée de manière intelligente, elle contribuera, au contraire, à un système financier plus efficace, moins cher, moins vulnérable et plus inclusif. « Néanmoins, la transition numérique entraînera aussi un changement de certains profils de collaborateurs dont aura besoin la place financière, et tous les profils existants ne pourront être reconvertis aux métiers de demain. Il y aura donc, dans un premier temps, un impact négatif sur l’emploi du secteur financier, qui est et restera dans les années à venir un des moteurs de l’économie luxembourgeoise ». Un autre impact collatéral de la digitalisation sera la diminution des recettes fiscales générées par le secteur financier, qu’il faudra compenser par d’autres sources de revenus.
Concernant la transformation écologique, celle-ci revêt un caractère urgent en raison du changement climatique et de la dégradation de notre environnement qu’il faut contrecarrer rapidement. Cette transformation doit s’inscrire dans le cadre de la réalisation des objectifs de la COP21, d’un côté, et des 17 Objectifs de Développement Durable de l’ONU, d’un autre côté. La Commission européenne a présenté en mars 2018 une stratégie ambitieuse en matière de finance durable. D’après Claude Marx : « La transition vers une économie à faible émission de carbone ne pourra se faire sans financement du secteur privé ». La feuille de route y assortie comprend un système de classification unifié des investissements «durables», des labels UE, l’obligation pour les gestionnaires d’actifs et les investisseurs institutionnels de tenir compte des aspects de durabilité dans le processus d’investissement, l’intégration de la durabilité dans les exigences prudentielles et la publication d’informations non-financières relatives au climat. « Le Grand-Duché, avec quelque EUR 4.500 milliards d’actifs sous gestion, devrait avoir comme ambition qu’au moins 10% de ces actifs soient investis dans des investissements durables à court terme, et de devenir un leader dans ce domaine », a-t-il conclu.